Religion

Réligion

La diversité religieuse autochtone du continent africain est d’une grande richesse qui correspond à la variété des cultures du continent. Les religions africaines traditionnelles ont en commun la croyance en un ensemble de divinités spécifiques aux différents aspects de la vie et de la nature, avec souvent un couple créateur ou un Dieu créateur initial, le culte des ancêtres et des esprits, la croyance en la réincarnation, et presque toujours un parcours initiatique.Répartition des religions dominantes en Afrique par pays.

Sommaire

Description du fait religieux[modifier | modifier le code]

Sculptures africaines représentant des divinités.

La grande majorité des écrits concernant les religions traditionnelles africaines (RTA) sont le fait des Européens3. À l’époque des premières découvertes et de l’expansion coloniale, ceux-ci, convaincus de la supériorité des religions abrahamiques, considèrent les cultes autochtones africains comme de l’« idolâtrie » ou de la sorcellerie et emploient les termes péjoratifs d’« animisme »note 2, de « paganisme », de « fétichisme » ou de « vaudou » pour les décrirenote 3,6,3.

« Pensée primitive »[modifier | modifier le code]

Au début du xxe siècle, Lucien Lévy-Bruhl dans ses ouvrages Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures (1910) et La mentalité primitive (1922) théorise ce qu’il nomme « la pensée primitive » comme « pré-logique » et « mystique », les pratiques spirituelles afférentes étant considérées comme des « pré-religions »7. Pendant des décennies, son travail est considéré comme fondateur de l’anthropologie en langue française et sa thèse prévautnote 4. Vers la fin de sa vie, il reviendra sur cette analyse. En 1948, paraît la traduction française d’un ouvrage de Placide Tempels, qui analyse le mode de pensée de l’Afrique subsaharienne, et donc celui des sociétés « primitives » qui l’habitent, La Philosophie bantoue9 qui sera aussi l’objet de controverses10. Il affirme que le fondement de cette philosophie est religieux, en référence ultime à un Être Suprême11. C’est une critique d’Hegel qui prétendait l’homme africain serait « hors de l’Histoire »12 et c’est aussi une critique de facto de Lévy-Bruhl, une réhabilitation de la pensée africaine, ce qui explique qu’il soit bien reçu par certaines figures de la négritudeLéopold Sédar Senghor par exemple. Mais son aspect colonialiste et évangélisateur (Tempels est un missionnaire franciscain) fait qu’il est aussi critiqué — parfois violemment — par d’autres, Aimé Césaire par exemple13,14,15.

Conceptualisations[modifier | modifier le code]

Certaines conceptions négatives, notamment cette notion de « primitif », traversent les années jusqu’au xxie siècle16.

Dans le premier tiers du xxe siècle, même Leo Frobenius, qui avait pourtant écrit un ouvrage décrivant l’Afrique comme un continent hautement civilisé, lorsqu’il découvre, dans ce qui est de nos jours le Togo puis à Ife, des sculptures en bronze et en terre cuite, les attribue à la civilisation disparue de l’Atlantide, ne pouvant croire que les Africains aient été capables de créer de telles œuvres17,18. Enjambant les décennies, en 2007, le président français, Nicolas Sarkozy, reprend l’idée hégélienne que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire »19,20.

Quant aux terminologies, le terme « fétiche » — venant du portugais du xve sièclenote 5 —, qui sert à désigner les objets de culte des religions traditionnelles, connote la notion d’artificiel, de magique et de grossier22,23. Ainsi, David Livingstone, dans ses relations de voyage datées de 1859, écrit, à propos d’un « fétiche », qu’il s’agit de l’« image grossière d’une tête humaine […] barbouillée de certaines substances enchantées24 » et le Grand Larousse du xixe siècle, dans sa définition du mot « fétiche », utilise l’expression « culte grossier des objets matériels »25.

Le concept d’animisme, qu’on continue à accoler aux religions autochtones africainesnote 6, quoique le terme soit jugé dépassénote 2, est dû à Edward Tylor dans Primitive Culture et date de la fin du xixe siècle27.

Les RTA, à l’instar d’autres religions considérées comme « primitives », ont souvent été aussi qualifiées de totémistes28. Pour son aspect social, le totémisme est le moyen de la reconnaissance mutuelle des membres d’un groupe, typiquement un clannote 7,30. Pour son aspect religieux, le totémisme est la forme « première de religion » créée par la société humaine. Le totem étant l’objet des rites qui matérialisent les croyances, le totémisme est considéré par certains31,32 comme un système religieux à part entière33. En 1962, le concept même de totémisme est cependant fortement critiqué par Claude Lévi-Strauss, qui l’accuse d’être une « invention » anthropologique34.

Autre conception, dans la droite ligne de Tempels35, l’idée que les Bantous forment un peuplenote 8 perdure dans le discours et la pensée, y compris africains37,38, alors qu’il s’agit en fait d’un aggrégat linguistique et non d’un continuum culturel39,40.

Acceptions actuelles[modifier | modifier le code]

L’idée que les RTA sont monothéistes se trouve déjà dans la Doctrina Christiana, un livre datant de la fin du xve siècle, grâce à des missionnaires espagnols qui avaient exploré la côte de l’actuelle République du Bénin41. Au début du xxe siècle, l’ethnologue français Marcel Griaule définit le fond et la forme du sentiment religieux africain comme un « système de relations entre le monde visible des hommes et le monde invisible régi par un Créateur, en général bienveillant, et des puissances qui, sous des noms divers et tout en étant des manifestations de ce Dieu unique, sont spécialisées dans des fonctions de toutes sortes », d’où des pratiques visant à invoquer la médiation des puissances intermédiaires (ancêtres, génies, esprits)42. Les religions traditionnelles africaines sont donc considérées comme monothéistes, caractérisées par la croyance en un Dieu suprême créateur de toutes choses, mais qu’on n’invoque pas43, et dont les manifestations sont nombreuses en formes44. L’idée du deus otiosus (dieu absent) est parfois appliquée45, parfois refusée, aux religions traditionnelles africaines46,47.

La distinction entre sacré et profane n’existe pas dans une culture africaine profondément imprégnée de la religion traditionnelle africaine48,note 9 car les ancêtres et les morts, « forces spirituelles, participent fondamentalement à la réussite ou à l’échec des entreprises humaines50 ». On trouve donc des rites centrés autour des représentations matérielles des forces spirituelles susceptibles d’intervenir dans le monde humain et, notamment, les masques et les statues (les idoles ou fétiches dans l’acception désormais dépassée) qui fascinèrent (et fascinent encore) les Occidentaux51. Ils sont destinés à invoquer ces forces spirituellesnote 10,53.

Il faut attendre les années 1960 pour que le sujet soit étudié par les universitaires africains et occidentaux54 et 1965note 11 pour que le terme même de « religion(s) traditionnelle(s) africaine(s) » apparaisse afin de désigner un sujet d’études académiques56. Cependant, à la fin du xxe siècle, Aloysius Lugira propose, en remplacement de « religions traditionnelles africaines », d’utiliser le terme « africisme », explicitement calqué sur « hindouisme »57, pour mieux rendre compte de l’intrication des croyances, des pratiques et de la philosophie qui forment le fondement des « religions » autochtones et de la culture du sous-continent58,59,60.

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